04/04/2018

Courrier intersyndical aux élus du Grand Est : alerte sur le situation d’établissements culturels du Grand Est

Les représentants régionaux des syndicats d’employeurs du spectacle vivant subventionné (Profedim, Synavi, Syndéac, SNSP) ont adressé un courrier aux élus du Grand Est pour les alerter sur la situation préoccupante de plusieurs lieux de spectacle de leur région, fragilisés par des évolutions du soutien apporté par les élus locaux.

Madame, Monsieur,

Nous sommes les représentants dans la région Grand Est de syndicats d’employeurs du spectacle vivant subventionné : PROFEDIM, SNSP, SYNAVI et SYNDEAC. Nous vous écrivons ensemble aujourd’hui pour vous alerter sur la situation préoccupante de plusieurs lieux de spectacle de la région, fragilisés par des évolutions du soutien apporté par les élus locaux.

Les remises en cause, les décisions unilatérales ou les conflits entre élus locaux affectent plusieurs lieux de la région : le Théâtre Gérard Philipe à Frouard, le Nouveau Relax à Chaumont, les Transversales à Verdun, le Théâtre Louis Jouvet à Rethel, Bords 2 scènes à Vitry-le-François… Ou dans une autre configuration, l’Espace Bernard-Marie Koltès à l’Université de Lorraine à Metz, où le changement de direction conduit la DRAC à suspendre la convention de ce théâtre, qui s’en trouve fragilisé. Les situations sont différentes, mais elles témoignent toutes d’une fragilisation des projets, des missions et des personnels de ces équipements culturels.
Les partenariats et financements croisés dont ils bénéficient devraient les protéger par des engagements communs à moyen terme. Au lieu de cela, on constate leur vulnérabilité dès qu’une collectivité diminue ou menace de retirer son soutien. C’est également le cas quand la gestion de l’établissement est transformée en régie directe, affectant parfois sa liberté de programmation. Comme si la décision prise à un endroit n’avait pas de répercussion plus large, plus profonde. C’est oublier l’interdépendance des lieux et des équipes artistiques, unis dans la production et la diffusion des spectacles, alliés pour développer une présence territoriale de qualité.

Ces lieux sont majoritairement des scènes conventionnées. Un label récemment inscrit dans la loi relative à la Liberté de création, qui reconnaît « l’intérêt général pour la création artistique et le développement de la participation à la vie culturelle ». Le conventionnement de ces établissements est une alliance de l’Etat et des différents échelons de collectivités territoriales, car les structures bénéficiant de ce label contribuent officiellement « à l’aménagement et à la diversité artistique et culturelle d’un territoire ».
Même quand ils ne sont pas conventionnés, ces établissements sont des théâtres de ville, qui ont pris une place primordiale dans l’écosystème. Ces lieux ont une histoire dans un environnement marqué de leur empreinte, nourri de leur exigence. Ces lieux ont bâti une relation à la population locale, à l’occasion des représentations de spectacles plébiscités mais aussi à travers une multitude d’actions de sensibilisation, de transmission ou de participation, qui contribuent tout autant à l’émancipation.

A l’échelle nationale, nous avons malheureusement déjà pu constater ces dernières années les graves conséquences de fermetures de lieux ou de « réorientations de projets », comme au Blanc-Mesnil ou à Villeneuve-lès-Maguelone. Chaque fois, c’est une atteinte à un projet d’intérêt général, une atteinte au public. C’est une atteinte à la longue structuration des projets de découverte et de promotion de la création, à la patiente construction d’un réseau de circulation des œuvres et des artistes. Une atteinte à l’histoire de la décentralisation culturelle et de l’étroite concertation avec les acteurs locaux.
Cette concertation n’existe pas vraiment aujourd’hui entre les collectivités territoriales, les services de l’Etat et les professionnels. Nous réclamons qu’une réelle instance de concertation soit mise en place à l’échelle de la région pour examiner en détail les situations difficiles ou conflictuelles, pour définir un partage concerté des responsabilités et des actions, pour l’établissement d’une véritable politique publique de la culture, formulée et intelligible.

Enfin, la fragilisation, voire la disparition, de ces établissements est une menace directe sur la vitalité de la création et un drame social promis pour les équipes artistiques. Ce sont près de 2 millions d’euros qui ne seraient ainsi plus consacrés à la production et à la programmation des spectacles de ces compagnies. C’est le risque de disparition d’une permanence artistique qui se déploie sur les territoires avec tout un travail d’accès pour les publics. C’est la remise en cause d’une idée de la création locale et la promesse d’un désert culturel qui ne serait plus irrigué que par les événements nationaux.
Aujourd’hui, nous vous interpelons solennellement et collectivement pour ne pas laisser se déliter l’écosystème culturel qui constitue aujourd’hui un maillage d’une grande richesse. Pour ne pas laisser attaquer la liberté de création et la liberté de programmation, principes aujourd’hui inscrits dans la loi mais qu’il reste à faire vivre quotidiennement dans nos structures culturelles, au cœur de nos territoires.

Nous restons à votre disposition pour échanger sur ces situations sensibles. Nous vous prions de recevoir, Madame, Monsieur, nos respectueuses salutations.

Les représentants dans la région Grand Est
de syndicats d’employeurs du spectacle vivant subventionné :
Philippe LE GOFF
PROFEDIM
Christian DUFOUR
SNSP
Cécile GHEERBRANT
SYNAVI
Jean BOILLOT
SYNDEAC

Courrier intersyndical : Alerte sur la situation d’établissements culturels du Grand Est